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L’éco-circularité : le grand défi de l’industrie de demain ?

Dans cet épisode avec Christine Champoiral, directrice générale de Montabert, et Caroline Félix, directrice générale de la Ruche Industrielle, nous explorons une facette souvent négligée mais prometteuse de l'évolution industrielle : l'éco-circularité.

Episode 14 avec Christine Champoiral & Caroline Félix

L’éco-circularité : le grand défi de l’industrie de demain ?


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Transcription du podcast

Introduction

Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous, alors que notre industrie prend un nouvel élan. Qui est en droit d'attendre d'elle ? Comment peut-elle nous aider à faire face aux défis de notre époque ? À travers ce podcast, nous vous, emmenons, à la rencontre de celles et ceux qui démocratisent l'industrie 4.0.

Ensemble, découvrons l'impact de ces nouvelles approches et de ces technologies sur notre façon de produire, de consommer et même d'imaginer l'avenir. Parce qu'en effet, le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous. Bienvenue dans « Où va l’Industrie ? » ! Le podcast qui interroge le futur pour agir au présent par PTC.

Présentation des invités

Bonjour à tous, je m'appelle Sébastien Letorey, je suis directeur des alliances de PTC France, un éditeur de logiciels dans l'industrie. Donc aujourd'hui on va parler de perforateur hydraulique, on va parler de mines, on va parler de tunnel, on va parler de brise roche. On va aussi parler d'abeilles. On va aussi parler de ruches pour mieux comprendre l'économie circulaire, ce qu'on appelle l'éco circularité et qui remet en cause de nombreux fondamentaux dans les organisations traditionnelles.

Et pour mieux comprendre ce sujet, je suis particulièrement ravi d'accueillir deux femmes d'exception. Bonjour Christine Champoiral. Bonjour Sébastien. Vous êtes directrice générale de Montabert et bonjour Caroline Felix. Bonjour Sébastien. Vous êtes directrice générale de la Ruche industrielle. Donc on va commencer directement si vous êtes d'accord. Je voudrais que vous vous présentiez, que vous présentiez votre structure.

Il faut peut-être commencer par vous. Christine. Oui, merci. Alors, comme vous l'avez dit, je suis directrice générale chez Montabert, une entreprise que j'ai intégrée maintenant il y a plus de 20 ans. C'est 20 années au cours desquelles j'ai exercé différentes fonctions, toujours en lien avec nos marchés, nos clients et notamment les douze dernières années comme directrice commerciale et marketing de l'entreprise. Montabert, vous l'avez dit, c'est une entreprise française qui a maintenant plus d'un siècle d'existence et qui conçoit et fabrique des brises roche et des perforateurs hydrauliques qui sont principalement destinés au marché de la construction, des mines et des carrières. L'entreprise, qui était à l'origine familiale jusqu’à dans les années 90, appartient aujourd'hui à un grand groupe multinational, le japonais Komatsu, leader dans le domaine des équipements pour les mines et les carrières et la construction.

Alors, l'entreprise Montabert est basée à Saint-Priest, dans la région lyonnaise. On emploie aujourd'hui presque 500 personnes dans la fabrication de nos équipements sur le site lyonnais et on commercialise nos produits à plus de 90 % en dehors de France.

Donc très bien. Donc vous êtes une industrie de pointe qui associe à la fois puissance et précision.

C'est ça. Beaucoup de mécanique de précision. Un site assez impressionnant que j'invite régulièrement nos clients et partenaires à venir visiter.

Caroline, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer ce que c'est que la Ruche industrielle ?

Oui, avec plaisir. Donc je suis Caroline Félix, directrice générale de la Ruche industrielle.

J'ai travaillé pendant douze ans dans l'industrie, dans l'hydraulique aussi, dans le groupe Bosch, dans la division industrielle Bosch Rexroth et je suis partie vivre pendant cinq ans à l'étranger, en Suède et là-bas, j'ai monté mon entreprise, donc j'ai été entrepreneur et ensuite, de retour en France, j'avais deux envies c'était ramener de la Scandinavie en France, donc des graines de Scandinavie en France, des graines de Suède.

Et ramener aussi des réflexes d'entrepreneur dans le monde du salariat. Donc ça a donné l'idée d'une ruche qu'on a coconstruit avec plein d'autres énergies et qui fête bientôt cinq ans, une ruche industrielle pour se créer un espace, un lieu et des méthodologies qui rassemblent les industriels pour qu'ils puissent faire des projets ensemble pour se transformer.

L'idée générale de la Ruche, c'est de rendre l'industrie plus humaine, plus performante et plus durable. Et pour faire ça et bien, on mène des projets. Donc on travaille beaucoup sur ce sujet-là de compétence, d'innovation managériale, de recrutement aussi. On sait que c'est une problématique pour l'industrie. Et puis il y a les sujets verts chez nous, donc environnementaux.

Et c'est de ça qu'on va parler plus aujourd'hui, dans lesquels on parle d'économie circulaire. Donc 30 projets menés depuis le début, c'est un modèle qui est basé sur des principes très simples et concrets. Et le principe de base, c'est que, en fait, on crée les conditions pour que les industriels copient sur leur voisin.

Quelque part ils partagent leurs expériences. Donc on y va, on expérimente et on met ensemble les personnes qui travaillent dessus. Du coup, à plusieurs cerveaux, ça rend les actions bien plus rapides, plus puissantes.

Caroline On va avoir l'occasion de reparler de la ruche Aujourd'hui, on va. Moi, je propose de rentrer directement dans le sujet de l'économie circulaire.

Définition de l’économie circulaire

Donc aujourd'hui, on a l'impression qu'il y a une définition de l'économie circulaire par entreprise qu'elle est alors si on commence par la ruche justement, votre définition de l'économie circulaire. Alors, aujourd'hui comment on définit cette économie ? C'est une économie qui est nouvelle, qui est en train d'émerger, qui frissonne, on va dire, qui représente un tout petit pourcentage aujourd'hui de l'économie actuelle.

En gros, on vit dans un monde qui reposait sur le mode de l'économie linéaire. Donc, si on représente graphiquement, il faut se représenter une ligne droite en fait, ou un bout de la ligne, on extrait des matières, on les transforme en un produit ou un service qui est vendu, qui est utilisé et qui est ensuite jeté.

Donc voilà, on a cette ligne droite et l'idée de l'économie circulaire, c'est d'arriver à tordre cette ligne. Alors ce n’est pas joli, mais en fait c'est de l'assouplir et de l'arrondir pour que ça devienne finalement un cercle avec des matières premières qui sont soit réutilisées d'une autre entreprise à côté, recyclé que le produit ou le service qu'on va vendre on l’a est éco conçu, c'est à dire qu'on a pensé son cycle de vie et qu'on a pensé qu'est-ce qu'il va advenir après son utilisation et qu'on puisse réinjecter donc récupérer les produits, qu'une entreprise puisse récupérer les produits qu'elle a mis sur le marché pour pouvoir les réinjecter dans sa chaîne de valeur, dans sa ligne de production.

Et du coup, on aurait à terme, c'est la vision idéale, c'est la destination en fait, mais on aurait plutôt un modèle qui serait représenté graphiquement par un cercle et pas par une ligne droite.

Christine concernant Montbert, quelle est votre définition de l'économie circulaire ?

Alors je rejoins complètement Caroline dans sa présentation. Historiquement, un fabricant de produits manufacturés industriels comme le nôtre a un modèle très linéaire.

On part de matière brute pour en faire un produit fini ou tout au cours de sa vie on va l'utiliser et ça finit en déchet. Et moi, je suis très sensible à ces sujets là et je réalise que nous, on consomme des tonnes d'acier, l'équivalent de la taille de la tour Eiffel chaque année. Et si ces tonnes d'acier finissent à la poubelle, c'est un beau gâchis.

Aujourd'hui, ces ressources, on doit les préserver. Donc l'économie circulaire, c'est ce qui va nous permettre de donner peut-être un second souffle, de régénérer nos produits au lieu de les mettre à la benne en fin de vie et de les récupérer pour les réparer et ensuite les réinjecter dans l'utilisation pour nos clients. Donc, si on veut aller à l'extrême, on pourrait imaginer qu'on part d'un modèle où aujourd'hui, on produit un produit neuf qui, à la fin de sa vie, va finir à la poubelle.

Et comme l'a dit Caroline, dans une vision circulaire, on récupère ce produit en fin de vie au cours de sa vie pour le régénérer et le réemployer. Donc on va vers une économie d'usage où dans un monde idéal, la vision absolue, ce serait d'arriver à vendre plus tôt des heures de percussion plutôt que des brises roche ou des mètres forés plutôt que des perforateur.

Donc, c'est tout un modèle économique à repenser. Chez Montabert, on s'est depuis des années on avait une activité de matériel d'occasion. C'est comme ça qu'on l'appelait à l'époque, parce qu'on avait conscience de l'avantage qu'on avait et que la durabilité de nos produits, des produits fiables qui durent longtemps et qu'on pouvait réparer. Donc on avait déjà un modèle qui était un socle assez solide pour démarrer de la circularité.

Urgence d’agir pour repenser l’industrie ?

Et je vous explique ce qu'on en a fait grâce à La Ruche, notamment pour s'approcher un peu plus de la circularité.

Si on parle d'urgence, parce qu'on comprend bien la dimension vertueuse de la boucle, est ce que c’est urgent à ce point d'agir ?

J'ai envie de dire il y a qu'à regarder le thermomètre l'été dernier chez nous, dans d'autres pays, oui, c'est hyper urgent.

Ce que Christine mentionne, c'est la raréfaction des ressources, c'est l'impact qu'a notre activité humaine et industrielle sur l'environnement. Donc rien que de ce point de vue-là, on se rend bien compte que c'est urgent de changer de modèle, d'aller vers une autre façon d'exploiter les ressources de la Terre dont on se rende compte maintenant finalement qu'elles sont finies, alors que notre modèle linéaire est basé sur le présupposé que les ressources sont infinies.

Donc là, on voit bien attention, si ça pose un problème, il y a eu les crises Covid, les crises géopolitiques qui montrent que le modèle linéaire actuel qui est organisé bien sûr, qui présuppose que les matières sont infinies et puis aussi qu'il n'y ait pas de caillou dans les rouages. On voit bien qu'il y a eu des petits problèmes à un moment donné, un arrêt des approvisionnements, une tension sur les matières premières.

Et ça, ça a poussé plus de personnes à penser des modèles d'organisation différents et des modèles économiques différents. Donc oui, pour moi, c'est très urgent d'envisager les choses différemment. Et puis après, il y a d'autres enjeux aussi qui ne sont pas nouveaux pour l'industrie. Mais en termes de recrutement, donc d'attractivité. C'est comme ça qu’on désigne de ces métiers, de ce secteur.

On avait quand même une petite crise de sens et aujourd'hui, la bonne nouvelle, c'est que repenser le modèle linéaire pour aller vers le circulaire, c'est extrêmement porteur de sens. Donc c'est une opportunité pour réintégrer des énergies ou libérer des énergies des personnes qui sont déjà annoncées dans ces entreprises pour construire ensemble un modèle nouveau et un modèle qui a des externalités ou des impacts très positifs.

Et pas qu'un paquet économique.

Est ce qu'on peut dire qu'on va même jusqu'à un impact social ?

Oui, clairement, oui. Alors il y a différentes dimensions. Là, la dimension que je mentionnais, c'est plutôt l'impact RH au sein d'une entreprise où on voit que les personnes qui sont engagées, je pense que Christine peut en témoigner, sur ce genre de projet retrouve une énergie nouvelle, retrouve du sens et se découvrent souvent d'ailleurs des compétences inexploitées chez elle ou qui n'étaient pas forcément utilisées jusqu'à présent.

Et il y a aussi, dans l'idée de l'économie circulaire l'idée de travailler un peu plus en local. Donc ça veut dire pouvoir recruter des personnes qui sont un peu moins éloignées géographiquement. Ça veut dire aussi bien mieux connaître ses voisins, donc mieux connaître les entreprises qui sont autour, dans la même zone géographique. Et puis développer des formes de collaboration inédites jusqu'à présent et qui sont, sur le plan humain, très vertueuses.

Les projets Montabert

Christine si on rentre plus dans le concret, il y a eu donc Montabert a fait des projets d'économie circulaire à La Ruche, est ce que vous pouvez nous les exposer et qu'on comprenne bien justement l'apport que ça a pu avoir par rapport à la stratégie de Montabert ?

Alors effectivement, comme Caroline l'a dit, Montabert fait partie de la Ruche industrielle.

On a adhéré à la Ruche il y a trois ans maintenant et on a rejoint ce qu'on appelle entre nous la grappe d'industriels. Donc, c'est le premier groupement d'industriels qui se sont engagés sur ces projets d'économie circulaire. Dans cette première grappe, on était quatre industriels à travailler chacun sur des projets qui étaient à la fois sur des objectifs et des niveaux de maturité différents.

Mais les gros avantages du travail en commun, comme on l'a dit déjà plusieurs fois dans ce podcast, c'est qu'on a pu mettre ensemble des énergies différentes, des regards croisés et ça aide à accélérer notre démarche dans la réalisation de notre projet d'économie circulaire. Donc, le premier projet que Montbert a porté avec la Ruche consistait à passer de notre activité de matériel d'occasion, dont je parlais tout à l'heure, vers quelque chose de plus industriel, une approche plus industrielle de reconditionnement pour offrir une véritable offre de matériel, as good as new, donc remis à neuf garantie constructeur.

Donc ce qu'on a, ce qu'on a travaillé pendant ce premier projet, c’étaient différentes thématiques la manière d'identifier nos gisements de matières. Ce n’est pas simple quand on a umodèle très international.

Comment est-ce qu'aujourd'hui on récupère les produits pour les reconditionner ? Ensuite, il y avait une démarche de définir des gammes de reconditionnement plutôt que de rester dans ce mode artisanal où vraiment, on est dans la réparation du produit pour le remettre en état et là, encore une fois plus en lien avec une économie, un vrai système économique. Planifier et organiser nos flux de manière à pas retrouver avec des quantités de matières premières sur un produit et puis rien sur un autre et ne pas être en accord avec la demande.

Et ça a abouti. Donc c'était un succès et ça a abouti pour nous à l'industrialisation d'une nouvelle offre produits qu'on appelle « Quality Reborn », donc une véritable offre de matériel reconditionnés qu'on peut offrir en alternative à nos clients avec une garantie constructeur. Particulièrement intéressant d'avoir cette offre dans les années qu'on vient de traverser où l'offre était limitée par les capacités constructeurs avec une forte demande, donc une grande demande aussi des marchés d'avoir accès à du matériel rapidement et c'est ce reconditionnement qui nous a permis de répondre à cette demande.

L'an dernier, on a attaqué un deuxième projet, donc on a rejoint une deuxième grappe d'industriels. Donc, ce n'est pas les mêmes que la première fois. Et Montabert a travaillé cette fois sur un projet de régénération de composants. Donc, on s'est dit ce qu'on est capable de faire sur des appareils complets, les récupérer et leur redonner une deuxième vie. On va essayer de le faire aussi sur des composants.

Alors on a dit en introduction Montabert, c'est un la mécanique de précision. Dans nos ateliers de rectification, on rectifie les pièces au micron près. Donc c'était un vrai défi de se poser la question est ce qu'une pièce qui a été utilisée, on va être capable de la remettre en parfait état quand on a des tolérances aussi fines ?

Donc les premiers enjeux et sur lesquels on a réfléchi, c'est vraiment d'impliquer nos équipes R&D et qualité sur le sujet de jusqu'où on peut aller en termes de régénération et comment est-ce qu'on peut faire ça ?

Et là, je suis complètement d'accord avec ce qu'a dit Caroline tout à l'heure sur le fait d'engager l'humain et nos ressources, de leur donner du sens.

On s'est aperçu qu'on avait une adhésion énorme des équipes et qu'ils ont adoré travailler sur ces projets et c'était source de motivation pour beaucoup d'entre eux. Et ça leur a donné une vraie vision de dire on est en train de changer et transformer notre industrie.

Mais ça ne doit pas être évident de re-manufacturer un produit ?

Extrêmement compliqué. Donc je ne vais pas vous mentir, on n'y est pas encore, mais on a identifié quelques pièces témoins sur lesquelles il y a de l'enjeu, parce que ce sont des pièces lourdes qui utilisent beaucoup d'acier et sur lesquelles on a ajouté beaucoup de valeur ajoutée au cours du process de fabrication.

Et donc aujourd'hui, en travaillant aussi avec la R&D sur de l'écoconception, de travailler en amont dans la conception de la pièce cette dimension de la réparable et du reconditionnement, c'est vraiment la clé de la réussite future.

Vous avez développé un nouveau modèle de reconditionnement et, fort de ce succès, aujourd'hui, vous vous êtes lancé dans une deuxième grappe ?

Oui, absolument. Le deuxième volet sur lequel on a travaillé dans cette deuxième grappe, c'est toute la partie flux, travaillé sur notre ERP et la manière dont aujourd'hui, les systèmes d'information qui sont conçus au départ pour un modèle linéaire, vont devoir s'adapter si on veut industrialiser des modèles circulaires avec des boucles qui nous permettent à la fois de faire revenir dans nos stocks et dans nos process des pièces qu'on a déjà fabriquées et commercialisées pour pouvoir réouvrir des ordres de fabrication, de retouches et pouvoir les re-commercialiser sous une autre forme.

Difficile de passer à l’éco-circularité ?

Christine. Donc, fort de votre expérience, ce passage à l’éco-circularité, ça a dû être compliqué chez Montabert. Est-ce que vous pourriez justement nous présenter les freins ou les écueils de ce changement ?

Oui, bien sûr. Et ce n'est pas quelque chose de simple. Il n'y a pas mal de freins pour effectuer cette transition, notamment, des difficultés économiques.

Le reconditionnement d'un produit ça veut dire aussi pour le consommateur quelque chose qu'on doit garantir avec le même niveau d'exigence et de performance. Et on s'aperçoit qu'aujourd'hui, les consommateurs ne sont quand même pas prêts à payer le même prix que pour du matériel neuf, même si on leur explique qu'il est tout à fait les mêmes qualités et performances.

Et donc, il y a un enjeu économique parce que ça coûte de l'argent de faire revenir le matériel, de le reconditionner, de reprendre toutes les pièces. Ce n’est pas parce qu'on économise un peu sur la matière première que c'est vraiment moins cher. Et donc il y a un enjeu économique. Il faut quand même que ça reste une activité profitable pour l'entreprise.

Il y a des freins aussi logistiques. Je parlais tout à l'heure d’'identifier nos gisements, mais surtout de les récupérer. Comment est-ce qu'on fait revenir les produits quand on a exporté vers l'Australie ? Si on doit faire revenir nos brises roche et plusieurs tonnes d'acier en France pour les reconditionner, eh bien, ça tue un peu l'intérêt de la décarbonation sur ce segment-là.

Donc il faudrait pour ça passer à du multi local pour pouvoir mettre en place ces boucles de manière efficace. Il y a aussi des freins économiques et financiers dans le sens où dans les grandes dynamiques des groupes aujourd'hui, quand on prépare son business plan, on attend de la croissance tant en volume qu'en chiffre d'affaires et quand on intègre du circulaire comme on va, une partie de notre activité va être faite à partir de produits déjà commercialisés. Ça va pas avoir forcément les mêmes impacts en terme de croissance. Donc je pense qu'il faut aujourd'hui changer les mentalités et réfléchir plus en pérennité, rentabilité, conserver l'emploi et la profitabilité parce que c'est quand même essentiel. Il y a bien « économie » dans l'économie circulaire, mais pas forcément croissance à l'infini qui voudrait dire consommer de plus en plus de ressources, comme l'a dit Caroline, tout à l'heure, qui ne sont pas infinies.

Et puis le dernier frein, il est à mon avis technologique. J'ai parlé des systèmes d'information, les systèmes MRP qui sont conçus pour des flux linéaires aujourd'hui et qu'il va falloir faire évoluer pour pouvoir efficacement intégrer la circularité dans nos modèles.

Donc on parle de rentabilité, mais sans gaspillage de ressources. C'est l'enjeu aujourd'hui de Montabert ?

Exactement.

Caroline pour La Ruche et par rapport aux différents retours d'expérience des projets grappes.

Alors je complète ce qu'a dit Christine. Il y a des freins économiques effectivement, puisque pour le moment, les indicateurs sont quand même toujours basés sur le principe d'une croissance. Donc ça c'est un des premiers freins. Il faut trouver des marchés et s'appuyer sur les bons leviers du coût pour lancer une nouvelle activité, il faut qu'elle soit rapidement rentable pour pouvoir la déployer et que ça fasse aussi boule de neige à l'intérieur d'une même entreprise.

Mais il y a aussi un autre, un autre frein qui est : faire ça c'est complexe et aujourd'hui on n'a pas forcément les compétences. On n'a pas non plus la compréhension de tout ce qu'est l'économie circulaire ou tous les leviers existants. Donc, il y a un aspect théorique déjà à acquérir sensibiliser, faire monter en compétence et dans tous les niveaux de l'entreprise.

Il faut que les dirigeants et les dirigeantes ait cette compréhension pour qu'ils puissent développer une vision et il faut que le middle management puisse comprendre aussi ce qui se passe. Et les collaborateurs comprennent quels sont leurs leviers d'action et qui maîtrisent aussi bien les outils qui vont leur permettre de mettre en place ces nouvelles dynamiques. Donc pour moi, c'est déjà ce premier frein, de se sensibiliser, faire monter afin d'acquérir les compétences pour faire en sorte d'adresser ces sujets dans l'entreprise, créer la connaissance de ce sujet quelque part.

Il y a un autre frein, c'est que bien, il faut en même temps opérer. Donc ça, c'est tous les adhérents, tous les entreprises industrielles de La Ruche rencontrent la même problématique. C'est un peu Superman qui est en train d'avancer avec son costume. Et puis il est en train de l'ouvrir et dessous il y a son costume de super héros, mais il faut qu'il avance en même temps. Donc il faut continuer à opérer, à produire pour remplir les indicateurs qu'on attend. Et en même temps, il faut se transformer. Donc ça, ce n'est pas facile. Et puis, il faut aussi réinventer une chaîne de valeur. Il faut réorganiser les filières et réinventer finalement la relation client fournisseur.

Donc ça, c'est des chantiers qui ne sont pas évidents à mener non plus.

Est-ce que l'économie circulaire est quelque chose de réel aujourd'hui ? On entend énormément parler dans la presse. Il y a Renault qui communique le fait qu'ils ont ouvert deux usines sur l’éco-circularité Stellantis pareil, Volvo. Vous qui avez un retour d'expérience d'autres industriels, de PME locales, est ce qu’aujourd’hui ces sont des projets stratégiques qui fonctionnent et qui aboutissent, qui permet d'avoir les gains escomptés ?

Pour moi, il y a deux types de projet. En fait, il y a les entreprises existantes qui ont un modèle linéaire à la base qui sont en train de mettre en place chez elles des boucles de circularité. Et il y a des entreprises, start up, PME qui se lancent avec un modèle circulaire à la base. Et finalement on assiste à ça en ce moment.

On en a eu récemment dans la Ruche des témoignages de dirigeantes et dirigeants d'entreprises, de start up, PME industrielles qui ont, dans leur modèle économique, mis les principes de base de la circularité.

Alors je rejoins complètement Caroline sur ces dynamiques et par exemple un conseil qu'on peut donner aux industriels qui, comme nous, sont sur des modèles historiques linéaires pour aborder l'économie circulaire. C'est de commencer à isoler les activités un peu en mode start up pour pouvoir déjà construire l'offre et progressivement l'intégrer dans le modèle économique quand ça deviendra suffisamment important pour représenter une offre additionnelle.

Rôle de la technologie pour favoriser transition

Christine Vous avez évoqué des freins technologiques tout à l'heure. Ma question ça va être autour du digital. Qu'est-ce que le digital peut vous apporter comme opportunités ?

C'est une bonne question. Sébastien, on y réfléchit aussi. Je pense que le digital peut nous aider à agir sur plusieurs axes. Il y a certainement des choses qu'on peut faire autour de l'éco-conception de nos produits et de voir comment l'expérience qu'on a accumulé peut nous aider dans ce domaine. Chez Montabert on a mis en place et on commence à déployer depuis quelque temps des systèmes de monitoring sur nos parcs de brises roche.

Ces systèmes-là vont nous permettre de collecter pas mal de datas au cours du cycle de vie du produit. Et à partir de là, on va pouvoir mettre en place un peu de maintenance prédictive, ce qui va aussi du coup favoriser le fait de savoir à quel moment on doit entretenir l'appareil pour qu'il reste en activité le plus longtemps possible.

On pourrait même imaginer demain de traiter toutes ces données qu'on va collecter avec une intelligence artificielle qui pourrait aussi nous aider dans le tri des pièces. Quand on récupère un appareil pour savoir ce qui est récupérable et ce qui doit être remplacé et avoir peut-être une constitution d'une gamme de réparation qui soit optimisée grâce à un outil digital.

Caroline Pour la ruche, la technologie, c'est un moyen. C'est un moyen pour faire quoi ?

Eh bien si, c'est un moyen pour rendre les choses possibles, ce sont des outils. En fait, tout à l'heure, Christine a parlé d'activités artisanales qui devenaient industrialisées. Donc pour faire ça on passe par des outils.

Et aujourd'hui, c'est bien la technologie qui va permettre de passer d'activités de manufacturing avec des volumes et un mode opératoire artisanal à une massification et un mode opératoire industriel.

Vous avez parlé des collectes de données ? Ça me mène à penser au partage des informations et à la continuité numérique.

Continuité numérique et économie circulaire

En quoi cette continuité numérique peut soutenir justement l'économie circulaire ?

Pour poursuivre sur ce qu'on disait juste avant, une ligne de re-manufacturing c'est un processus à piloter. Donc là, l'enjeu, c'est d'avoir une logique inversée, donc c'est de réintégrer des pièces qui étaient sortis du la chaîne de valeur, les rentrer dans la chaîne de valeur. Donc il faut que ça soit rendu possible par le système de pilotage global de l'entreprise. Et pour ça, il faut rendre les systèmes encore plus intelligents puisque on amène de la complexité finalement, et on va devoir capter des données là où on n'avait pas de données.

Christine mentionnait tout à l'heure le fait qu’il faut savoir où sont les pièces. Et puis, après une question de traçabilité. Et ensuite, il y a une question juridique aussi, puisqu'il faut pouvoir garantir aussi des pièces as good as new. Donc tout ça, ce sont bien des marqueurs digitaux qui vont pouvoir permettre de le faire.

Ce que je comprends, c'est que dans l'économie circulaire, il y a un besoin justement de collaboration, de partage d'expérience. Vous chez Montabert, est ce que ce sont des projets que vous menez, cette amélioration de la communication au sein d'une entreprise élargie avec son écosystème ?

Alors sur l'activité des Perforateur de Montabert, on travaille avec des partenaires qui sont eux-mêmes des fabricants de machines qui opèrent dans des mines ou dans des tunnels, souvent à plusieurs centaines de mètres, voire des kilomètres sous terre.

On a des machines au Tibet, en Amérique latine, en Afrique du Sud. On peut bien sûr imaginer que pour nos clients dans ces milieux-là, quand on est dans un tunnel ou dans une mine, on travaille 24 h sur 24, sept jours sur sept. Il n'y a pas de jours de nuit, dimanche ou de jours fériés. Le matériel doit opérer à tout moment.

Donc ces solutions-là, de continuité numérique, sont prometteuses dans le sens où elles permettent ou elles permettront d'avoir accès à des informations capitales pour anticiper la maintenance des produits, permettre d'éviter des arrêts de chantier, donc des pertes d'exploitation. Comme l'a évoqué Caroline, je pense que ces sujets-là permettent aussi d'améliorer pour les industriels que nous sommes la traçabilité des matières, des composants.

Quand il y a des évolutions de gamme, surtout quand on reconditionnement, on va peut-être se heurter quelquefois des évolutions de produits. Il faut être capable de fournir la bonne pièce qui est compatible avec le produit d'origine. Donc tous ces sujets de continuité numérique bien sûr, on a encore du travail à faire, mais ils sont sur l'agenda et sur la feuille de route pour améliorer nos process.

Et demain ?

On en vient à la fin de ce podcast. Quelles sont pour finir justement les conseils que vous pourriez donner aux industriels pour les encourager dans ce développement de l'économie circulaire ?

Le conseil que je donnerai c'est qu'il faut que les industriels travaillent ensemble sur ces sujets. Venez à la Ruche, nous la Ruche, ça nous a vraiment aidé à accélérer.

Comme on l'a dit plusieurs fois aujourd'hui, c'est partage d’expérience, les regards croisés, le fait de réfléchir ensemble aux différentes problématiques, c'est très riche, ça nous fait gagner du temps. On se sent moins seul, soutenu et c'est très stimulant pour les porteurs de projet comme pour tous les participants dans l'entreprise. Les industriels doivent vraiment se pencher sur ces sujets là avant que ce soient les réglementations ou les réelles limitations dans nos ressources qui nous l'impose.

Si on veut se préparer l'industrie de demain, il faut commencer à se transformer maintenant. Ça prendra du temps. Le marché n’est peut-être pas complètement mûr aujourd'hui pour accepter toutes ces offres de circularité, mais il faut qu'on soit prêt quand ça va être le moment.

Caroline ?

Alors je dirais comme Christine, surtout, ne restez pas seul. Il faut vraiment nourrir sa vision, voir ce que font les autres et tester des choses ensemble.

Je pense que le temps est passé de la prise de conscience. On sait qu'il faut travailler différemment. Et maintenant, l'idée, c'est d'entrer dans l'action et de tester en boucle, itérative, courte, prototyper rapidement, travailler en mode start up. Ça a été mentionné tout à l'heure par Christine comme des entrepreneurs, finalement, plutôt que comme des industriels classiques.

Ça veut dire les dirigeants, identifier les personnes chez vous qui ont l'énergie et l'envie de le faire, de se lancer dans ces projets pionniers, les salaires, la possibilité de le faire, donc sortez votre feuille de baobab pour les protéger et puis leur donner la permission, la protection et nous, c'est la règle des trois P protection, permissions il y aura de la puissance dans leur action.

Et puis faites en sorte de vous forger une vision, mais aussi en même temps que vos équipes puissent le faire et c'est le faire en même temps, il n'y a pas tellement de temps d'attendre, de devenir spécialiste et de former ses équipes, mais je pense que toute l'entreprise doit acquérir ces compétences aujourd'hui et se sensibiliser et identifier les outils. Et puis y aller.

Ce qui est clair, c'est que pour demain, on va continuer à avoir besoin de matières premières pour transformer l'industrie et notamment le secteur énergétique. Il va falloir du cuivre pour répondre à l'électrification, également du lithium et d'autres matériaux. Donc pour Montabert, c'est quand même important de se dire que on va participer à ça grâce à nos machines et à nos partenaires.

Donc si on peut le faire en ayant le moins d'impact possible sur notre environnement et sur la planète, mais c'est quand même beaucoup mieux. Donc c'est essentiel pour nous de pivoter vers ce vers ce modèle-là. Il y a bien sûr d'autres leviers qu'on va utiliser, mais l'économie circulaire paraît essentielle pour que demain, on puisse continuer au niveau global, la transformation de l'économie et de l'industrie avec le moins d'impact possible.

Remerciements

Merci pour ce podcast inspirant. Merci Mesdames donc merci Christine Champoiral, vous êtes directrice générale de Montabert. Merci Caroline Félix, directrice générale de la Ruche industrielle. Quant à nous, on se retrouve bientôt pour un nouvel épisode du podcast. Où va l'industrie ? 

Les invités de l'épisode

Caroline Félix - Directrice Générale de La Ruche Industrielle

Caroline Félix a cumulé 12 années d'expérience dans le marketing et la communication chez Bosch, avant de s'installer en Suède pendant cinq ans. Durant son séjour scandinave, elle a créé une entreprise facilitant les échanges entre sociétés suédoises et françaises, tout en contribuant à une plateforme promouvant la consommation durable avec deux associés. Inspirée par la culture suédoise, Caroline a introduit en France des méthodes de travail favorisant la collaboration et la confiance, éléments essentiels qu'elle a ensuite intégrés dans la création de La Ruche Industrielle. Cette initiative vise à établir un lien entre le salariat et l'entrepreneuriat, en mettant l'accent sur l'autonomie, la responsabilité, et des parcours professionnels diversifiés. S'inspirant du concept d"effectuation", La Ruche, sous la direction de Caroline Félix, adopte une approche innovante et adaptable au contexte économique actuel.

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Christine Champoiral - Directrice Générale de Montabert

Christine Champoiral possède une expérience professionnelle diversifiée couvrant plus de 26 ans. Elle a débuté sa carrière en 1994 en tant que Responsable ADV - assistante commerciale aux Grands Moulins de Bourgoin, où elle a travaillé jusqu'en 2001. De 2002 à 2006, elle a occupé le poste de Customer Service Manager chez IR Montabert. En 2006, elle a rejoint Bobcat Lyon en tant que Directrice de Succursale, un poste qu'elle a occupé jusqu'en 2010. De 2010 à 2012, Christine a été Directrice des opérations Chine Corée chez Montabert. Elle est ensuite devenue Directrice mondiale du support commercial chez Montabert de 2012 à 2014, date à laquelle elle a été promue au poste de Directrice mondiale des ventes et du marketing. Dans son rôle actuel, elle est responsable de la stratégie de vente, du développement des canaux, du support produit, de la formation, du support technique, des services après-vente, du marketing, de la marque et de la communication.

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