Éco-circularité : quels rôles pour le numérique ?

Écrit par: Cathy Goulard
1/15/2024

Temps de lecture: 3 min.

L’industrie ne peut s’occuper seulement de productivité et de performance. Son impact environnemental et social s’impose comme un des points de focus majeur pour les décideurs, à la fois pour favoriser l’émergence de nouveaux modèles économiques mais aussi pour attirer les talents des jeunes générations. Avec l’éco-circularité, les promesses sont grandes mais les défis immenses ! Comment le numérique peut aider les industriels à embrasser ce changement ?

La nécessité (et la complexité) d’un changement de modèle

Dans une économie linéaire, un produit suit toujours plus ou moins le même schéma : des matières premières sont extraites puis transformées en produit ou service qui est alors commercialisé avant de signer sa fin de vie. « Le processus, ici, est clairement linéaire. L’idée avec l’éco-circularité, c’est de passer d’une ligne à une boucle. Autrement dit, créer un cercle à travers du sourcing de proximité, de l’éco-conception, des matières réinjectées dans la chaîne de valeur,… Au final, le produit a une deuxième, troisième, quatrième vie ! » explique Caroline Félix, directrice générale de de la Ruche Industrielle association promouvant des projets inter-entreprises.

En cela, l’éco-circularité fait écho à l’économie d’usage. Elle porte un modèle économique radicalement différent : « d’un côté, nous avons la vente d’un produit que l’on n’entretient pas ; de l’autre, nous mettons en place la vente d’un usage avec des structures d’entretien et de renouvellement » souligne Christine Champoiral, directrice générale de Montabert, fabricant de brise-roches et perforateurs hydrauliques. Et de préciser comment cela pourrait se traduire concrètement : « Dans le cas de Montabert, notre ressource principale est l’acier et donc nous nous posons la question : comment gérer les tonnes d’acier en fin de parcours ? Et si, au lieu de vendre des perforateurs, nous vendions des mètres forés ! »

Mais le chemin est long avant d’espérer une transition vers le modèle de l’éco-circularité. En 2022, une étude du Forum pour l’investissement responsable et l’Institut national de l’économie circulaire rapporte que la moitié des entreprises interrogées évoque la stratégie d'économie circulaire « parmi les sujets de durabilité et non comme un enjeu stratégique en tant que tel. »

Entre enjeux économiques & défis technologiques

Le défi est immense, mais rien n’empêche d’essayer. Montabert a développé plusieurs initiatives éco-circulaires. Pour y parvenir, l'entreprise s'est appuyée, entre autres, sur sa participation à deux groupes de travail inter-entreprise au sein de la ruche industrielle. Des groupes de travail dénommés « grappes ».

  • Une Grappe dédiée au reconditionnement des produits (as-good-as-news) avec l’idée qu’on peut remplacer des pièces spécifiques plutôt que l’intégralité du produit ;
  • Une Grappe consacrée à la régénération de composants ayant pour objectif de parvenir à un dispositif efficient de réparabilité et ainsi augmenter la durée de vie des produits.

Les projets mis en place au sein de Montabert sont prometteurs, mais il reste encore des obstacles à lever pour passer à une autre échelle :

  • Le coût et un frein psychologique : Le reconditionnement a quasiment le même coût qu’une production, mais le client n’est pas prêt à payer le même prix ;
  • La logistique : comment récupérer des matériaux usagés lorsqu’ils ont été envoyés à l’autre bout du monde ;
  • La technologie : les systèmes ERP de gestion produit se basent sur des flux linéaires. Réintégrer des pièces au sein du système d’information avec une nouvelle dénomination produit est une opération complexe.

Justement, la technologie et le numérique ! Quelles sont les opportunités ? « Au sein de la Ruche Industrielle, nous réalisons que le digital et l’économie circulaire sont complémentaires » observe Caroline Félix. Dans cette optique, les éditeurs de logiciels auront un rôle à jouer :

  • En facilitant de nouvelles circulations de l’information produit au sein de leurs systèmes ERP ou PLM ;
  • En pensant différemment les systèmes de pilotage de l’activité afin qu’une même pièce ou un même produit puisse connaître plusieurs vies digitales.

Faut-il accélérer sur la continuité numérique ?

Chez Montabert, la continuité numérique va émerger comme un sujet de premier ordre, notamment au regard des enjeux de traçabilité. D’un côté, l’idée est de pouvoir agir sur la gestion et le pilotage des données afin d’améliorer la traçabilité des matières premières et l’optimisation des cycles de vie du produit. De l’autre, le digital va pouvoir aider à développer le diagnostic à distance : « nous avons des machines opérant au Tibet ou dans des mines en Amérique latine. La question est : comment, avec le digital et à des milliers de mètres sous terre, pouvons-nous suivre la durée de vie des composants et apporter de l’information à nos clients ? »

Et Caroline Félix de conclure : « si la continuité numérique était en place, on pourrait plus facilement passer du modèle linéaire à un modèle circulaire. »

L’éco-circularité : le grand défi de l’industrie de demain ?

Dans cet épisode avec Christine Champoiral, directrice générale de Montabert, et Caroline Félix, directrice générale de la Ruche Industrielle, nous explorons une facette souvent négligée mais prometteuse de l'évolution industrielle : l'éco-circularité. En savoir plus
Tags: Industrie 4.0 Podcast

À propos de l’auteur

Cathy Goulard est une spécialiste de la communication d'entreprise animée par la volonté de partager des informations pertinentes pour expliquer, convaincre et fédérer autour de la formidable aventure humaine et technologique de PTC.